9. Retour à Arkhanium

par Amy Madison Mar 11 Mai - 14:57

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9. RETOUR A ARKHANIUM

Esther se retrouve devant les murailles d’Arkhanium, la journée est déjà bien avancée. Elle va devoir entrer dans la ville par ses propres moyens. La porte est peu gardée, elle est habillée en paysanne et ne devrait avoir aucun mal à y pénétrer. Comme la première fois, elle étend un peu de boue sur son visage et pénètre dans la cité.
Elle ouvre son esprit et ne capte rien de bien nouveau, depuis toutes ces années le village n’a pas changé et elle repère aisément le chemin qui la conduira au logis des paysans. Quelques femmes chargées de récipients, et se rendant au puits, la fixent un moment puis reprennent leurs babillages.
Elle va frapper à la porte quand elle s’ouvre brusquement, Nohan apparaît dans l’encadrement.
— Oui, que voulez-vous ? lui demande-t-il.
Esther comprend qu’il ne l’a pas reconnue à cause de son couvre-chef, elle l’enlève aussitôt.
— Vous ! s’exclame le jeune homme.
Le moment de surprise passé, il referme brutalement la porte sans ajouter un mot.
Esther est estomaquée, il vient de lui claquer la porte au nez.
Elle frappe un petit coup discret et elle patiente quelques minutes. Résignée, elle va repartir quand la porte s’ouvre de nouveau.
C’est Nohan.
— Très bien, vous pouvez entrer, lui dit-il. Esther voit à son regard qu’il l’invite à contrecœur, il sort en évitant son regard et ajoute :
Mes parents veulent vous voir.
— Je suis désolée, Nohan, je vous assure.
— Et bien, allez-y ! Inutile de vous justifier devant moi. Je vais prendre l’air. Et le jeune homme s’éloigne d’un pas rapide.
Nohan se dirige vers une petite chaumière située un peu en retrait de la ville.
Un petit garçon aux cheveux châtain joue avec des cailloux devant la maison, quand il voit Nohan il se relève, et se met à courir vers lui en riant, le jeune homme le prend dans ses bras
— Pas encore au lit bonhomme ? gronde-t-il à l’intention du petit, qui le regarde alors avec de grands yeux coupables.
Le garçon se débat, il glisse sur le sol et se dirige vers la femme qui vient d’apparaître dans l’embrasure de la porte. Il se réfugie dans les jupes de sa mère, et fait la moue.
— Il a raison. Dit-elle.
— Non, maman, suis pas fatigué.
— Oh que si! et elle s’en va le glisser dans son lit.
— Et plus un mot, compris. Dit-elle en agitant un index autoritaire au-dessus de sa tête.
Le gosse se blottit sous ses draps qu’il rabat ensuite d’un coup sec en éclatant de rire.
— Tu vas te taire, petit voyou. Ajoute-t-elle en chatouillant le garçonnet qui se tortille dans tous les sens.
— j’ai droit à mon bisou ? demande-t-elle.
Et le petit lui entoure le cou de ses deux bras et lui donne un gros baiser mouillé.
Remontant la couverture de laine jusqu’à son menton :
— Dors bien. Je t’aime mon cœur. Lui chuchote-t-elle.
La jeune femme tire ensuite sur une tenture séparant la couche de l’enfant du reste de la pièce.
Nohan est entré, il a observé Agnès et son petit garçon. Elle a toujours refusé de parler des circonstances de cet accident de parcours.
Venant de la maison close, elle devait sûrement ignorer elle-même qui était le géniteur de son fils.
Nohan la connaît depuis toujours. Sa mère ne comprend pas et réprouve les visites répétées qu’il rend à Agnès.
Il fixe à présent la table :
— Qu’est-ce que c’est ? demande-t-il en désignant un pot avec deux pièces d’or.
— Ce n’est pas ce que tu crois Nohan.
— J’espère pour toi, tu as un fils à présent, et…
La femme l’interrompt :
C’est un soldat du roi William, je l’ai bien connu avant, il m’a proposé de l’épouser.
Nohan vient de recevoir un choc, depuis toujours il est amoureux d’Agnès, un amour sans espoir, car elle le considère comme un ami d’enfance. Il a essayé plus d’une fois de sortir avec d’autres filles, mais sans succès, à chaque fois il ne pensait qu’à Agnès. Elle est si jolie avec ses boucles blondes, quand elle lui sourit, ses petites fossettes et ses joues rosées évoquent dans son esprit, la fraîcheur et la fragilité d’une poupée. Il rêve de la câliner, de la prendre dans ses bras, mais il doit rester sage, être juste son ami, un ami fidèle. Tout, pour ne pas la perdre.
Et elle vient de lui annoncer son mariage, il sent une boule au creux de son ventre, qui l’empêche presque de respirer, il doit parler, rompre le silence :
— Et tu as accepté ?
— C’est un homme très convenable, Émeric l’aime déjà beaucoup. De plus, il reçoit une bonne solde. Seule avec un enfant, je ne peux vraiment pas faire la difficile.
— je comprends.
Non, il ne comprend pas. Il pourrait tout lui donner, et elle ne veut pas de lui. Elle préfère un soldat avec une bonne solde.
— Tu m’as bien aidée depuis la naissance du petit, mais tu ne peux pas toujours t’occuper de nous, tu en as déjà tellement fait.
Nohan la prend dans ses bras :
— je te souhaite beaucoup de bonheur Agnès.
Et il est sincère, que peut-il faire d’autre si cela la rend heureuse. Si c’est là ce qu’elle souhaite.
— Merci, Nohan, je pourrais juste te demander un service ?
— Dis-moi, ajoute-t-il en s’écartant légèrement d’elle.
— Ça m’ennuie un peu, mais Guillaume est au courant de tes visites et…
Nohan l’interrompt :
— Et tu ne veux plus que je vienne.
Sa voix s'étrangle sur un sanglot. Il n’a pas pu l’empêcher.
Agnès l’a remarqué et elle tente gentiment de justifier sa demande pour ne pas lui faire de la peine.
— Il sait bien que nous sommes amis, mais je vois bien que son regard s’assombrit quand je lui parle de toi. Ne le prends pas mal s’il te plaît.
— Ça ne te dérange pas que je passe la nuit chez toi, mes parents ont invité quelqu’un.
Ça lui coûte de lui demander cela. Il a juste envie de partir, d’aller se terrer dans un coin. Sa douleur est bien trop forte. Les larmes lui montent aux yeux et il détourne la tête pour qu’elle ne s’en aperçoive pas. Sa pitié il n’en veut pas.
— Tu peux rester cette nuit, bien sûr. Nous sommes toujours amis n’est-ce pas ? Mais Agnès n’est pas dupe, elle vient de comprendre qu’elle a perdu son amitié et que jamais plus elle ne le reverra.
Mais que peut-elle faire d’autre? Guillaume est sa seule chance. Nohan a toujours été gentil et elle l’aime bien, mais ce n’est pas de l’amour. Et, Guillaume représente la sécurité.
Le seul homme qu’elle a aimé est le père de son enfant, mais c’était un amour impossible. Des hommes... elle en a tant connu, mais c'est du passé à présent. Et, depuis des années, elle pleure sur son amour perdu, elle s’est résignée, il ignore qu’Emeric est son fils. Elle l’a toujours caché, même à Nohan.
Mais quelle importance à présent, Emeric est toute sa vie, lui ne la décevra jamais. Nohan l’oubliera.
(à suivre)